El Capitan free solo : l’exploit légendaire d’Alex Honnold

Le 3 juin 2017, Alex Honnold réalise l'impossible : escalader El Capitan en free solo, 900 mètres sans sécurité, révolutionnant l'histoire de l'escalade.
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Léandre Monteil
Grimpeur solitaire sur paroi verticale de granit au lever du soleil

Le 3 juin 2017, le monde de l’escalade a basculé dans une nouvelle dimension lorsqu’Alex Honnold a réalisé l’impensable : gravir El Capitan, l’imposante paroi granitique de 900 mètres du parc national de Yosemite, sans aucune protection. Cette ascension en « free solo » a marqué l’histoire comme l’un des plus grands exploits sportifs jamais accomplis. Au-delà de la performance physique extraordinaire, c’est l’aspect mental qui fascine dans cette aventure vertigineuse où le moindre faux pas serait fatal. Plongeons ensemble dans ce moment qui a redéfini les limites du possible en escalade.

L’ascension d’El Capitan en free solo : un moment historique

Grimpeur solitaire sur falaise granitique de 900 mètres

Le 3 juin 2017, aux premières lueurs du jour, Alex Honnold s’élançait sur la voie Freerider d’El Capitan pour accomplir ce qu’aucun grimpeur n’avait osé entreprendre auparavant. Cette face granitique de 900 mètres de hauteur, située dans le parc national de Yosemite en Californie, est considérée comme l’une des plus prestigieuses au monde. Honnold l’a gravie en 3 heures et 56 minutes, sans corde, sans assurance, confronté à la gravité dans sa forme la plus brutale.

Les chiffres de cet exploit sont vertigineux : 30 longueurs d’escalade, des passages techniques cotés 7c+ (soit un niveau très élevé même pour des grimpeurs encordés), et aucune marge d’erreur possible. Pour mettre les choses en perspective, El Capitan est plus haut que l’Empire State Building et représente l’équivalent de près de 300 étages d’immeuble.

Caractéristiques de l’ascension Données
Date 3 juin 2017
Voie Freerider
Hauteur 900 mètres
Difficulté maximale 7c+
Temps d’ascension 3h56
Nombre de longueurs 30

La voie Freerider, ouverte initialement par les frères Huber en 1998, comporte plusieurs passages particulièrement exposés, comme le « Monster Offwidth » (une fissure large et physique) et le « Boulder Problem », section clé cotée 7c+ où Honnold a dû réaliser une séquence de mouvements complexes à plus de 600 mètres du sol. Ce dernier passage est si délicat qu’Honnold avait prévu une alternative, qu’il n’a finalement pas eu à utiliser le jour J.

Ce qui rend cette ascension historique, c’est qu’elle repousse les frontières de ce que l’on croyait humainement possible. Comme l’a écrit le célèbre grimpeur Tommy Caldwell : « C’est l’équivalent en escalade de marcher sur la Lune pour la première fois ».

Qu’est-ce que le free solo et pourquoi El Capitan représente l’ultime défi

Mains de grimpeur sur paroi de granit sans protection

Le « free solo » (ou solo intégral en français) est la forme d’escalade la plus pure et la plus dangereuse qui existe. Cette discipline consiste à grimper sans aucun équipement de protection : pas de corde, pas de baudrier, pas de points d’ancrage. Le grimpeur n’a que ses chaussons d’escalade, son sac de magnésie pour garder les mains sèches, et surtout, sa maîtrise technique et mentale. À la différence de l’escalade libre (« free climbing »), où le grimpeur utilise uniquement ses mains et ses pieds pour progresser mais dispose d’une corde en cas de chute, le free solo ne pardonne aucune erreur.

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El Capitan est considéré comme l’ultime défi en free solo pour plusieurs raisons :

  • Sa hauteur impressionnante (900 mètres) implique une concentration absolue pendant plusieurs heures consécutives
  • La variété des difficultés techniques qui requiert une polyvalence exceptionnelle
  • La nature du granit de Yosemite, lisse et compact par endroits, qui offre peu de prises évidentes
  • Les sections surplombantes qui amplifient la sensation de vide
  • Les conditions météorologiques changeantes (notamment la température qui affecte l’adhérence)

En comparaison, d’autres parois mythiques comme la face nord de l’Eiger (Alpes suisses) ou le Half Dome (également à Yosemite) offrent soit des dimensions plus modestes, soit des difficultés techniques moins soutenues. Le Half Dome avait d’ailleurs été gravi en free solo par Honnold lui-même en 2008, mais El Capitan représentait un tout autre niveau de défi.

« Le free solo sur El Cap, c’est comme jouer une symphonie parfaite pendant 4 heures, sachant que la moindre fausse note signifie la mort », m’a confié un jour un collègue guide. Cette analogie résume parfaitement l’intensité mentale requise pour une telle entreprise.

Alex Honnold : le parcours du grimpeur qui a repoussé les limites

Né le 17 août 1985 à Sacramento en Californie, Alex Honnold n’était pas destiné à devenir une légende de l’escalade. Enfant introverti, il découvre l’escalade à 11 ans et développe rapidement une affinité pour ce sport. Ce qui distingue Honnold dès ses débuts, c’est son rapport particulier à la peur. Des tests neurologiques ont révélé que son amygdale (partie du cerveau responsable des réponses émotionnelles, notamment la peur) réagit différemment de celle de la plupart des gens, lui permettant de rester calme dans des situations où d’autres seraient paralysés par la terreur.

Avant de s’attaquer à El Capitan en free solo, Honnold avait bâti un impressionnant palmarès :

  • 2008 : Free solo du Half Dome à Yosemite (700 mètres)
  • 2011 : Free solo du « Regular Northwest Face » du Half Dome en 1h22
  • 2012 : Triple couronne de Yosemite (enchaînement de trois grandes voies en moins de 24 heures)
  • 2014 : Réalisation de la « Fitz Traverse » en Patagonie avec Tommy Caldwell

La préparation pour El Capitan a été méticuleuse et obsessionnelle. Pendant près de deux ans, Honnold a répété chaque mouvement de la voie Freerider des centaines de fois, avec corde. Il a mémorisé chaque prise, chaque séquence, chaque repos. Dans son journal, il a noté méthodiquement tous les détails techniques de la voie. Cette préparation mentale maniacale est caractéristique de son approche : « C’est comme si j’avais construit un plancher parfait au-dessus de l’abîme », explique-t-il.

Sa préparation physique n’était pas en reste : séances d’entraînement quotidiennes, exercices spécifiques pour renforcer ses avant-bras, et une discipline de fer. Honnold vivait alors dans son van, un mode de vie minimaliste qui lui permettait de se concentrer pleinement sur son objectif et de rester au pied des parois.

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Sa motivation? Honnold l’a souvent exprimée simplement : « Je ne grimpe pas pour mourir, je grimpe pour vivre pleinement. » Cette quête d’excellence et de dépassement de soi, plutôt qu’une recherche d’adrénaline, est ce qui anime profondément ce grimpeur d’exception.

L’impact du free solo d’El Capitan dans la culture populaire

L’ascension d’El Capitan en free solo par Alex Honnold a transcendé le monde de l’escalade pour devenir un phénomène culturel global. Le documentaire « Free Solo », réalisé par Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin et produit par National Geographic, a joué un rôle déterminant dans cette popularisation. Sorti en 2018, le film a non seulement remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2019, mais a aussi généré plus de 30 millions de dollars de recettes – un chiffre inédit pour un film d’escalade.

L’impact de ce documentaire a été considérable :

  • Il a introduit l’escalade auprès d’un public qui n’y avait jamais été exposé
  • Il a suscité des débats éthiques sur les limites de la prise de risque dans le sport
  • Il a placé Honnold au panthéon des grands athlètes contemporains, aux côtés de figures comme Usain Bolt ou Michael Phelps
  • Il a contribué à un boom de fréquentation des salles d’escalade dans le monde entier

Après la sortie du film, les clubs d’escalade ont rapporté une augmentation d’inscriptions de 30 à 50% selon les régions. L’intérêt soudain du grand public pour cette discipline a coïncidé avec l’introduction de l’escalade aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 (reportés à 2021), renforçant encore sa visibilité médiatique.

Sur le plan médiatique, Honnold est devenu une référence bien au-delà de sa discipline. Il a fait la couverture de magazines prestigieux comme National Geographic, Outside et même Time Magazine. Ses apparitions dans des émissions grand public comme « 60 Minutes » ou « The Tonight Show » ont contribué à démocratiser l’escalade.

L’exploit a également inspiré de nombreux artistes. Le musicien John Adams a composé « El Capitan Symphony », une œuvre orchestrale inspirée de cette ascension. Des peintres comme Jeremy Collins ont créé des œuvres célébrant ce moment, tandis que des écrivains y ont vu une métaphore puissante de la condition humaine face à ses limites.

J’ai pu constater personnellement cet impact lors de mes sessions d’initiation à l’escalade. « C’est comme Alex Honnold? » me demandent régulièrement les débutants, alors même qu’ils font leurs premiers pas sur un mur de 10 mètres, bien encordés. C’est dire à quel point cette performance a marqué l’imaginaire collectif.

Les autres ascensions remarquables d’El Capitan après le free solo historique

L’exploit d’Alex Honnold a inspiré une nouvelle génération de grimpeurs à repousser leurs limites sur les parois d’El Capitan, bien que personne n’ait tenté de reproduire son ascension en free solo – preuve s’il en est du caractère exceptionnel de cette performance.

Après son ascension historique, Honnold lui-même est retourné plusieurs fois sur El Capitan :

  • En juin 2018, il a gravi la voie Salathe Wall avec Tommy Caldwell en moins de 2 heures (un record)
  • En novembre 2018, il a réalisé une ascension de la voie Freerider avec sa compagne Sanni McCandless (qui apparaît dans le documentaire « Free Solo »)
  • En juin 2019, il s’est associé à Brad Gobright pour une ascension rapide de la voie « Zodiac »
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D’autres grimpeurs de renom ont réalisé des performances impressionnantes sur El Capitan ces dernières années :

Emily Harrington est devenue en novembre 2020 la première femme à gravir en libre (avec corde) la voie Golden Gate en moins de 24 heures – un exploit majeur considérant la difficulté technique de cette voie cotée 8c.

Adam Ondra, grimpeur tchèque considéré comme le plus fort du monde en difficulté pure, a réalisé la voie Dawn Wall (la plus difficile d’El Capitan) en 8 jours en 2016, alors qu’elle avait nécessité 19 jours à ses ouvreurs Tommy Caldwell et Kevin Jorgeson en 2015.

Le jeune Connor Herson a stupéfié le monde de l’escalade en gravant Freerider à seulement 15 ans en 2018, devenant le plus jeune à réaliser cette voie en libre.

La parentalité n’a pas freiné les ambitions d’Alex Honnold. En septembre 2022, un an après être devenu père d’une petite fille prénommée June, il est revenu à Yosemite pour réaliser une nouvelle voie sur El Capitan avec le grimpeur Cedar Wright. Lors d’une rencontre au salon de l’escalade de Paris, Honnold m’avait confié : « La paternité change forcément votre rapport au risque, mais elle ne diminue pas la passion. Elle vous pousse juste à être encore plus méthodique. »

Cette nouvelle approche plus mesurée se reflète dans ses choix récents. Honnold s’implique désormais davantage dans sa fondation environnementale (Honnold Foundation) qui promeut l’accès à l’énergie solaire dans des communautés défavorisées, tout en continuant à grimper à un haut niveau mais avec une prise de risque plus calculée.

L’héritage du free solo d’El Capitan continue de rayonner dans le monde de l’escalade, non pas comme un défi à reproduire, mais comme une source d’inspiration pour trouver sa propre voie vers l’excellence. Comme le dit souvent Honnold : « Le but n’est pas de vivre éternellement, mais de créer quelque chose qui le fera. »

Léandre Monteil
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